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Est-ce qu’il est possible que quelqu’un t’ait suivi et soit rentré dans la boutique ? C’est la question qui te taraude tandis que tu te diriges vers cette dernière. Est-ce que t’as fermé la porte à clé après être rentrée ? Si au départ t’avais tendance à répondre positivement, à présent qu’il y a ces craquements tu as comme un doute. Tu te revois pourtant mettre la serrure en place. Mais était-ce ce matin, ou hier ? Est-ce que tu confonds pas ? La paranoïa s’installe progressivement tandis que ton cœur s’emballe. Tu retiens ton souffle, sceptique. Grimelda n’est plus là et tu te retrouves seule, livrée à toi-même. Et forcée de constater que t’as peur quand t’es seule. T’as pas l’habitude, à vrai dire tu l’as jamais eu. Dans ta famille vous étiez nombreux, et les journées étaient rythmées par les cris, les rires et les courses poursuites dans la maison. Avec Grimelda il y avait souvent des bruits calmes et sereins, comme le feu crépitant en-dessous d’une marmite infusant des plantes, ou encore les fredonnements de la vieille dame. À présent c’est calme, trop calme. Et ça t’angoisse plus qu’autre chose. Alors normal que tu commences à psychoter au moindre bruit suspect. Bruit qui, au final, ne doit pas être grand-chose. C’est une vieille maison au plancher ancien, et ce n’est pas étonnant qu’il grince tout seul. Ou peut-être est-ce une souris qui se ballade… Là encore ça ne serait pas la première fois que ça arrive.

Du coup, quand tu pénètres dans la boutique, t’es plutôt sereine. Ou du moins c’est ce que tu tentes de te dire. Ce n’est possible. Surement les rats. Ou simplement le fruit de ton imagination. Et puis t’as fermé à clé, t’en es persuadée. En sachant que personne ne t’a répondu, c’est bon signe, non ? Pas vraiment, en fait, mais ça, tu chasses cette pensée rapidement de ton esprit, ne voulant pas paniquer plus que de raison. La pièce commence à s’obscurcir avec le soleil tombant, mais à première vue elle semble vide. Alors que tu t’apprêtes à pousser un soupir de soulagement, une ombre plus noire que la pénombre attire ton attention sur ta gauche. Une forme humaine, encapuchonnée. T’as pas le temps de réagir que comme par magie un coup de vent te propulse vers l’arrière, t’envoyant valser contre le mur à côté de l’embrasure de la porte. T’as pas le temps de parler, pas le temps de crier. Juste de voler puis de t’écraser lourdement au sol. Tu reprends difficilement tes esprits, tentant tant bien que mal de te relever. Y’a de la panique qui scintille dans ton regard tandis que ton esprit est parasité par de multiples questions. Qui est cette personne ? Qu’est-ce qu’elle te veut ? Pourquoi est-ce qu’elle est chez toi, à cette heure ? T’as juste le temps de comprendre que c’est un maitre de l’air quand subitement l’oxygène se met à manquer. Ta bouche s’ouvre et se ferme, cherchant en vain de l’air, quand bien même il est partout autour de toi. Tes yeux s’exorbitant sous l’incompréhension et la terreur qui s’insinuent d’autant plus en toi, tu portes tes mains au niveau de ta gorge, puis au niveau de ta bouche. Comme s’il y avait quelque chose qui pompait toute l’air autour de toi. Une force invisible. Par moment tu réussis à inspirer une bouffée, mais pas assez pour t’empêcher de suffoquer. L’ombre en face de toi fait des mouvements lents avec ses mains. C’est elle qui fait tout ça. Avec sa maîtrise de l’air. Et elle ne te regarde même pas.

Dans un élan désespéré, tu saisis un pot qui siège sur une étagère à côté de toi, et tu lui balances dans la figure. Si le lancé n’est pas aussi précis que tu l’aurais souhaité, ça a au moins le mérite de déstabiliser ton adversaire et de le couper dans ses enchaînements. L’air revenant subitement dans tes poumons, tu prends une inspiration bruyante et salvatrice. Ne tardant pas plus que nécessaire, tu profites de cet instant de répit pour faire volte face et pour t’engouffrer dans l’arrière boutique, claquant rapidement la porte derrière toi pour tenter de gagner du temps. Traversant la pièce aussi vite que possible, tu claques à nouveau une porte pour te retrouver dehors, dans les marécages. Ne pas te retourner. Ne pas chercher à savoir où il est. Juste courir. Courir toujours. Et fuir.