Extinction des feux ϑ rp libre

On l’avait prise la main dans le sac alors qu’elle prélevait un fruit sur l’étal bien garni d’un marchand sur la grande place de la ville. Elle avait pourtant été bien discrète, mais les Gardiens devaient l’avoir à l’œil depuis un moment à la demande de la Conseillère Feu qu’elle servait dans l’ombre… Vivenn Thorkel lui faisait souvent le coup quand elle était prise d’une envie soudain de converser avec son agente. Les Gardiens ne s’intéressaient jamais à l’élément que la femme du désert maîtrisait. Chaque fois qu’ils lui mettaient la main au collet pour un délit mineur, ils la balançaient dans une de ces cages tirées par des chevaux pour l’emmener vers la Citadelle, puis ils la traînaient dans les entrailles du bâtiment sacré qui surplombait la cité-reine pour l’enfermer dans une alcôve bloquée par une porte de bois massif. Comme il aurait été facile de chauffer l’arrière-train des chevaux qui remorquaient le boîtier de métal dans lequel on l’enfermait. Ça suffirait certainement à les énerver suffisamment pour qu’ils désarçonnent le cocher et elle pourrait chauffer le loquet pour se tirer en moins de deux. Ou encore, elle n’aurait eu qu’à faire danser les flammes dans ses paumes pour mettre le feu à cette vulgaire porte de bois et à s’attaquer au Gardien qui surveillait sa cellule avant de s’évader. Elle connaissait bien ce labyrinthe. Elle l’avait visité trop souvent.

Mais ça n’en valait pas la peine. L’emprisonnement n’était jamais que temporaire pour la femme des canyons. Et comme elle prétendait ne posséder aucun pouvoir depuis qu’elle avait débarqué dans cette cité, valait mieux éviter de soulever des vagues en mettant au point un stratagème d’évasion du genre.

Styx avait dû faire attendre la conseillère un bon moment avant de se faire pincer parce qu’on l’avait incarcérée au début de l’après-midi; les heures s’égrenaient et la conseillère d’Antak ne la faisait toujours quérir. Allongée sur le sol humide, elle observait le ciel qui s’assombrissait à travers une meurtrière en songeant qu’elle finirait probablement par croupir dans cette prison de pierre toute la nuit. Elle avait pris quelques bouchées du pain trop dur qu’on avait jeté dans sa geôle et avalait une gorgée d’eau dans la gourde qui traînait sur le sol à toutes les heures. Après ce qui lui sembla une éternité, elle entendit le Gardien qui était posté près son alcôve se lever et tendit l’oreille vers ses pas qui s’éloignaient, résonnant sur les murs du corridor. Au bout de quelques minutes, une voix retentit dans le dédale de la prison :

« Extinction des feux ! » claironna le soldat.

Décidément, elle passerait la nuit dans cette cellule, et elle n’avait certainement pas l’intention de s’allonger sur la paille défraîchie de la couche qui était posée contre le mur du fond. L’antaki leva le regard vers le plafond et lâcha un soupir profond. Elle se redressa et attrapa l’outre pour en tirer une lampée d’eau tiède quand elle crut entendre quelqu’un s’éclaircir la gorge. Le silence était tel depuis des heures qu’elle sursauta.

« Y a quelqu’un ? » souffla-t-elle, son accent suave et chantant se réverbérant dans la pièce trop vide.