Arne ⇀ à la dérive

Anecdote I. Il vit le jour lors d'une nuit glaciale des Grands Froids de l'an 83, dans un petit village de l'île Sigur à Skogur où ses parents Beör et Askana Isjoen, vivaient paisiblement depuis plus de dix ans. Dernier né d'une fratrie comptant cinq fils, il déchira le cœur de son père lorsque sa mère le supplia de sauver leur enfant plutôt que de préserver sa vie à elle. Sachant qu'elle ne lui pardonnerait jamais son égoïsme s'il osait la défier, il consentit à ce que les guérisseur qui les assistait dans cette naissance difficile sauve le nourrisson plutôt que sa génitrice. Anecdote II. C'est avec une horreur sans nom que le passeur de Sigur réalisa que l'enfant qui lui avait arraché la femme qu'il aimait arborait une jambe atrophiée. Décharné et tordu, son membre inférieur demeurait immobile même lorsque sa gambette intacte s'agitait et fendait l'air alors qu'il habitait le silence de ses pleurs. Jamais le bambin ne pourrait marcher normalement... Ses frères deviendraient grands et forts, mais jamais cet estropié ne pourrait aspirer à une existence digne de ce nom. Seuls son immense respect pour la vie et sa fervente adoration envers son dieu gardèrent Beör de mettre un terme aux souffrances de son dernier né. Anecdote III. Durant la première année de sa vie, l'enfant ne porta pas de prénom. Refusant de le reconnaître comme étant le sien et dans un état de deuil profond, Beör Isjoen ne présenta pas son fils aux aurores boréales comme le voulait la tradition et ne le gratifia pas des peintures pour symboliser son acceptation au sein de leur peuple. C'est finalement l'un de ses fils, Kjell, le premier né de la fratrie, qui nomma la benjamin et qui le présenta aux rideaux lumineux qui zébraient le ciel d'encre et sertis son visage des rayures colorées. Il le baptisa Arne, en référence à son regard perçant comme celui d'un grand aigle. Anecdote IV. Sans Kjell, sa jambe difforme aurait probablement fait d'Arne un être reclus. Contrairement à ses autres frères qui voyaient en lui un intrus, une créature maudite qui leur avait arraché leur mère pour pousser son premier souffle et qui tenaient rigueur à leur père d'avoir permis à ce vermisseau de voir le jour, le premier fils d'Isjoen, du haut de ses quinze ans, avait clairement entendu sa mère supplier leur géniteur de sauver Arne. Kjell nourrissait une fascination pour l'infirmité de son petit frère et prenait plaisir à bricoler pour lui permettre de vivre normalement malgré son handicap. Grâce à li, Arne pouvait suivre ses frères à travers toutes leurs frasques, même s'il se contentait de les observer depuis le chariot dans lequel son aîné le traînait. Anecdote V. Il vécut ainsi très mal le départ de son frère qui partit s'installer dans la capitale alors que lui-même n'était âgé que de dix ans. Sans Kjell, le garçon se retrouva dépourvu. Pourtant,  sans cela, il n'aurait probablement jamais appris à se tenir sur ses jambes. Ignoré par ses aînés et son père dont le coeur se morcelait chaque fois qu'il posait les yeux sur le visage de ce fils qui ressemblait tellement à celle qui lui avait donné la vie, Arne commença par ramper, augmentant graduellement la force de ses membres supérieurs avant de fabriquer une béquille qui lui permit d'utiliser sa jambe valide pour trouver un semblant de normalité. Anecdote VI. Arne a longtemps a longtemps été convaincu qu'il était un non-maître. Son père et ses frères avaient tous hérité du don de maîtriser l'air, et malgré ses essais, le jeune skogurien savait qu'il n'était pas comme eux. Qui plus est, n'ayant pas la possibilité d'adopter les postures nécessaires à apprendre l'aérokinésie, le benjamin n'avait pas douze ans qu'il avait abandonné l'idée d'être un élémentaire. C'est une nuit du cycle des vents de l'an 92 qui démentit cette affirmation aux yeux de son frère aîné. Malgré le vent et la pluie qui balayaient l'île et faisaient rager les eaux de la mer, Arne avait décidé de voler une barque et de ramer jusqu'à atteindre la plage de l'Île Kethil avant de gravir les falaises jusqu'à la cité de Tirith pour y retrouver son grand frère. Il n'avait pas fait cinq kilomètres que les vagues firent chavirer l'embarcation et que son corps frêle s'enfonça dans les eaux sombres. Il aurait dû mourir, mais sa capacité à respirer sous l'eau le sauva et c'est presque sans égratignures que l'estropié s'échoua sur la plage de Kethil plusieurs jours plus tard. Anecdote VII. Si cet événement convint Kjell que son jeune frère n'était pas autant dépourvu de pouvoir qu'il le croyait, Arne demeura dans le déni pour un bon moment. Puis un jour, il dut se rendre à l'évidence lorsque l'eau se mit à frémir dans les seaux qui se trouvaient dans leur chaumière dès que la colère montait en lui. Comme sa défunte mère, Arne maîtrisait l'eau. Anecdote VIII. Malgré tout, son manque de grâce, de stabilité et de fluidité ont scellés le destin du jeune homme qui n'a jamais pu gravir les échelons dans la maîtrise de ses pouvoirs. C'est par sa détermination et son entêtement qu'il parvint à découvrir des mouvements qui ne nécessitaient que le haut de son corps pour lui permettre d'achever toutes les techniques du niveau 2. Et malgré les années qui passèrent, à part faire passer l'eau d'une phase à l'autre brièvement, le jeune homme n'arriva pas à développer ses capacités au-delà de celles d'un débutant. Anecdote IX. Tristement, la mobilité qu'il est parvenu à acquérir à travers le temps a également accru la douleur dans sa jambe atrophiée et même s'il n'ose pas l'admettre, Arne sait que l'état de sa jambe intacte ne va pas en s'améliorant, sa mobilité se réduit peu à peu et cela créé une profonde détresse silencieuse chez lui. Il doit fréquemment consommer des décoctions d'herbes pour atténuer la douleur qu'il ressent. Anecdote X. Le forgeron nourrit une ambition de voyager vers le continent où sa mère avait vu le jour pour connecter avec ses racines et apprendre la maîtrise de l'eau malgré son handicap.

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