Styx ϑ fire and smoke

Tu as vu le jour quelques minutes seulement après ton frère jumeau, Chems. C’était à la vingt-deuxième nuit du cycle des Longs Jours de l'an 75. Cette nuit-là, une tempête de sable faisait rage à l’extérieur de l’enfilade de cavernes sillonnées par des sources chaudes où les At’ror avaient élu domicile, bien des générations auparavant. Ta mère, Shadnia, aimait prétendre que cette tempête n’était pas un hasard, qu’elle était forcément liée à ton caractère difficile. Dans les années qui suivraient, elle donnerait naissance à sept autres enfants, presque autant de filles que de garçons. Ton père et bon nombre d’habitants de votre communauté prônaient toujours les idéologies préconisées par les empereurs du feu avant l’union des nations. Toute ta jeunesse, on t’a répété que les fidèles de Zoheir qui maniaient la flamme étaient supérieurs aux autres élémentaires. Bien malgré toi, ce dédain qu’on a gravé dans ton cœur depuis l’enfance ne disparaîtra jamais complètement, même si tu te répètes sans cesse que les prétentions de Khryisal At’ror sont derrière toi depuis longtemps.

Déjà petite, ton tempérament ne ressemblait en rien à celui de tes sœurs et tu refusais d’accepter le rôle qui t’incombait de surveiller tes cadets et d’aider ta mère dans ses tâches ménagères. Bien que tu aies une bonne relation avec tes sœurs, tu demeurerais toujours plus proche de tes frères, et tu garderais toujours un lien particulier avec Chems que tu considérais comme une moitié de toi-même. Ainsi, il t’arrivait souvent de filer en douce pour suivre tes frères et ton père dans la savane. Avec le temps, ton père a fini par céder à tes caprices – probablement dans l’espoir que tu réalises la difficulté du maniement de la lance et que tu finisses par te résigner à rester derrière et à assumer ton rôle de femme – et il t’a emmenée dans ses excursions. Ta détermination et ton entêtement lui ont vite fait comprendre qu’il en serait autrement et il s’est efforcé à miner chacun de tes efforts pour devenir meilleure. Malheureusement pour lui, jamais tu n’as accepté de prendre la place qu’il voulait te voir occuper et quand il a commencé à parler de t’unir avec le fils d’une autre famille de votre communauté, tu l’as défié pour une dernière fois en t’en allant à Fordal où tu as entrepris la formation de maître du feu, à l’âge de 15 ans. Jamais plus tu ne retournerais chez toi.

Malgré l’âge tardif auquel tu as commencé ton entraînement de maître du feu, tu t’es démarquée des autres dès les premiers jours. Tu étais habitée d’une colère immense, une révolte que tu avais nourrie pendant des années auprès de ta famille, à te battre pour devenir la jeune fille que tu désirais être. Cette fureur transparaissait dans ta maîtrise du pouvoir qui brûlait en toi. À vrai dire, tes premières tentatives furent si explosives que l’on pensa que jamais tu n’arriverais à tamiser cette étincelle ardente. Les mentors étaient ébahis devant l’intensité de ton feu qui était fort différent de celui de tes confrères. Il devenait si chaud qu’il prenait une teinte bleutée. Il détruisait tout sur son passage. Ce n’est qu’avec l’aide d’un mentor aussi têtu que toi-même que tu parvins finalement à dompter la colère qui te déchirait et à maîtriser la flamme comme nul autre ne pouvait le faire. Ton mentor avait espéré te voir joindre les rangs de l’armée du roi, mais tu n’avais aucun envie de vivre sous les ordres de qui que ce soit.

À vingt ans, tu t’en es allée vers Cathair, un beau centre de diversité et de commerce où tu pourrais éblouir les regards avec tes talents pour manier l’épée et par la couleur azurée des flambées qui émergeaient de tes paumes. Bien vite cependant, l’argent se fit rare. De fil en aiguille, tu as dû te rabattre sur des occupations beaucoup moins honnêtes pour subsister, refusant de retourner vers ton village natal pour quelque raison que ce soit. Le vol rapportait peu. Aussi, tu as pris ta première vie à l’âge de 21 ans en échange d’une grasse somme d’argent qui te permit de vivre confortablement pendant quelques mois. Finalement, les contrats devinrent plus faciles que le reste. Chaque meurtre demeurait profondément ancré en toi et te changeait peu à peu… jusqu’à ce que tu ne te reconnaisses plus toi-même.

Tu as rencontré Yasthyl Ismor pendant la saison froide de l’an 100. Subjugué par la beauté de tes traits et par ton feu bleu, le marchant de vitre te fit une offre que tu pouvais difficilement refuser : des prestations régulières pendant les nombreuses fêtes qu’il donnait sous le toit de sa somptueuse demeure en échange du gîte et de trois repas quotidiens. Peut-être un peu naïvement, tu le suivis chez lui et tu te complus dans ce mode de vie pendant plusieurs années. Ton hôte, outre ses fêtes où largesses et luxure étaient au rendez-vous, n’était pas souvent dans les parages. Parfois, il amenait sa maisonnée avec lui outre-mer, ce qui n’était pas pour te déplaire. Les choses ont changé brusquement lorsque son épouse a disparu dans des circonstances mystérieuses il y a environ une année. Ismor se montrait de plus en plus entreprenant à ton égard à mesure que les jours et les cycles passaient. Entrevoyant les chaînes qui s’enserraient lentement autour de toi et sentant que ta liberté de mouvement se restreignait, tu as quitté Cathair en pleine nuit sans un dernier regard pour cette vie de luxe et de faste que tu vivais depuis près de sept ans.

Traversant la jungle hostile pour regagner Anagd, tu as vainement cherché ton frère avant d’apprendre qu’il habitait désormais Ealdor. Un service rendu et une bourse bien garnie plus tard, tu montais à bord du navire d’un passeur pour te diriger vers l’inconnu, une cité où tu espères retrouver Chems et une vie de véritable liberté. Mais les choses ne sont pas aussi faciles que tu l’avais espéré. Ealdor est immense. Aucun trace de ton frère et les nuits dans les auberges sont dispendieuses. Te rappelant à quel point les meurtres étaient devenus difficiles et te tailladaient la psyché, tu refuses de retomber dans les vieilles habitudes. C’est ainsi que tu as abouti dans les combats clandestins, dans les bas fonds de la cité sous le couvert de la nuit. Là, tu as fait une rencontre qui changera probablement ta vie et qui ébranlera toutes tes convictions jusqu’au plus profond de ton être…

Quel est l'élément que tu maîtrises ? Comment te sens-tu vis à vis de cet élément ?
Le feu azuré qui brûle dans ton ventre t'effraie et te fascine. Même si tu as appris à dompter les ardeurs qui faisait naître en toi dans les premières années pour le faire gagner en puissance, il arrive encore qu'il prenne le dessus et te submerge. À tes yeux, le brasier qui dort en toi a sa propre vie et lorsque tu le laisses respirer trop largement, il consume tout sur son passage. Dans tes prestations pour éblouir les regards, tu savais garder ton calme pour maîtriser cette colère et cette instabilité qu'il amenait, mais tu évites de l'utiliser dans d'autres contextes. Seul Zoheir sait ce qui arrivera si tu utilises la flamme dans un contexte où tu n'es pas en total maîtrise de toi-même et même les réminiscences des paroles de ton ancien maître risquent de ne pas suffire pour te ramener à la raison.

Que penses-tu du traité de paix qui a été signé entre les régions ? Que ressens-tu envers les personnes qui manient un élément différent du tien ?
On a insinué des idées extrémistes dans ton esprit en lien avec l'infériorité des autres éléments. Bien que tu aies rencontré des dizaines d'élémentaires qui manipulaient d'autres pouvoirs que les tiens, tu conserves encore aujourd'hui un dédain pour eux. Si tu supportes de les côtoyer, tu ne peux éliminer totalement cette tendance que tu as à les considérer inférieurs à toi. Tu détestes profondément cette facette de toi-même sans arriver à l'éliminer.

Que penses-tu des ambitions des Non-Maîtres ?
Tu as aperçus manifester à quelques reprises depuis ton arrivée à Ealdor. Il n'existait pas de tel mouvements à Cathair, ou tu n'en avais jamais eu connaissance. Quoi qu'il en soit, tu n'accordes que peu d'importance à ces gens, estimant qu'ils doivent tailler leur place dans le monde comme les élémentaires. Ayant vécu dans une famille qui a voulu miner tes droits et t'enfermer dans une boîte d'idées préconçues de ce que tu devrais être, tu comprends la rage que les non-maîtres peuvent ressentir, mais tu ne leur accordes aucune pitié. Ils doivent se battre pour leurs droits et leur survie comme tu l'as fait. La vie n'est ville pour personne.